Conférence Scientifique : « Le Bassin du Lac Tchad, d’hier, d’aujourd’hui et de demain » – enjeux et défis Hydrologiques et Environnementales d’un géant en mutation

Ecrit par MEDD TV INFO

février 15, 2025

Une conférence scientifique pour éclairer l’avenir du lac Tchad

Le 14 février 2025, l’Amphithéâtre 2 de l’Hôtel Radisson Blu de N’Djamena a accueilli une conférence scientifique de haut niveau intitulée « Le bassin du Lac Tchad, d’hier, d’aujourd’hui et de demain » . Organisée sous l’égide de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et de l’Université de N’Djamena, cette rencontre a rassemblé chercheurs, étudiants, cadres tchadiens et partenaires internationaux autour d’un sujet crucial : l’avenir du bassin du lac Tchad.

Une conférence animée par des experts de renom

Animée par Dr Sylvestre Florence, directrice de recherches à l’IRD et professeure associée à l’Université de N’Djamena, la conférence a permis d’explorer les dynamiques hydrologiques, environnementales et socio-économiques du bassin. La session a été modérée par Le Directeur délégué de l’Institut Français du Tchad, Pierre Hubert Touchard et enrichie par les interventions du Dr Mahamat Nour Abdallah de l’Université de N’Djamena. Parmi les personnalités présentes, on comptait notamment l’ambassadeur de France au Tchad, Monsieur Éric Gérard, ainsi que de nombreux partenaires académiques et institutionnels.

Un enjeu vital pour des millions de personnes

Situé au cœur du Sahel, le bassin du lac Tchad s’étend sur 2,5 millions de km², couvrant cinq pays :

« Le bassin du lac Tchad est un géant géologique », a-t-elle affirmé, précisant qu’il s’agit du huitième plus grand bassin géologique du monde et du quatrième en Afrique.

Dans son exposé, Dr Sylvestre Florence a dressé un panorama scientifique détaillé du bassin du Lac Tchad, un écosystème vital pour près de 49 millions de personnes. Situé au cœur du Sahel, ce bassin joue un rôle écologique et économique crucial, malgré un contexte hydro-climatique extrêmement contraignant.

« Le Lac Tchad est une immense oasis d’eau douce alimentée principalement par le système fluviatile Chari-Logone. Depuis sept millions d’années, il a connu des phases d’expansion et de rétraction successives. La dernière période d’extension maximale, entre 10 000 et 5 000 ans avant notre ère, a vu le lac couvrir plus de 350 000 km² », a-t-elle expliqué.

Aujourd’hui, le lac est à nouveau en phase d’expansion, une évolution liée à l’accélération du cycle hydrologique sous l’effet du réchauffement climatique. Selon les projections, le Sahel central pourrait recevoir jusqu’à 30 % de précipitations supplémentaires d’ici 2050, modifiant ainsi l’équilibre hydrique du bassin.

Un géant géologique et un moteur économique

Dr Sylvestre Florence a rappelé que le bassin du Lac Tchad couvre environ 2,5 millions de km², soit 8 % du continent africain. Il s’étend sur plusieurs pays : Tchad, Cameroun, Niger, Nigeria, République Centrafricaine et, dans une moindre mesure, Algérie. Classé 8ᵉ bassin géologique mondial et 4ᵉ en Afrique, il constitue une ressource vitale pour les populations locales.

« Le Lac Tchad est un véritable poumon économique, malgré les défis sécuritaires récents. Il reste une zone de forte activité agricole, pastorale et halieutique. Les cultures y sont possibles jusqu’à trois fois par an, et la pêche y est particulièrement prospère », a-t-elle précisé.

Un enjeu démographique croissant

Les chercheurs estiment que près de 49 millions de personnes dépendent aujourd’hui des ressources du bassin.

« Il y a une dizaine d’années, nous avions évalué ce chiffre à 47 millions. Avec la croissance démographique, nous pensons désormais que le bassin soutient directement les populations de grandes métropoles comme N’Djamena et Maiduguri », a ajouté Dr Dr Sylvestre Florence.

Le projet CHADRILL : une étude sur 10 millions d’années d’histoire

Au cours de son intervention, Dr Sylvestre Florence a présenté le projet CHADRILL, qui explore l’histoire du bassin du Lac Tchad sur les 10 derniers millions d’années. Elle a détaillé les processus géologiques et hydrologiques qui ont façonné cette région, mettant en lumière les flux d’eau entrants et sortants. Cette initiative vise à répondre à des questions essentielles :

  • Quelle est la réserve en eau du bassin ?
  • Quelles sont les sources minérales du lac ?
  • Comment évolue son bilan hydrologique ?

« L’essentiel des apports hydrauliques du lac provient des fleuves Chari et Logone, respectivement situés en République Centrafricaine et au Cameroun. Une analyse approfondie de ces flux permet de mieux comprendre l’évolution passée et future du bassin », a-t-elle expliquée.

Préserver et gérer durablement une ressource stratégique

L’intervention de Dr Sylvestre Florence a mis en lumière deux axes majeurs de réflexion :

Les enjeux :

  • Préserver la ressource hydrique face aux pressions climatiques et humaines.
  • Renforcer les systèmes d’observation et d’évaluation pour mieux anticiper les évolutions du bassin.

Les défis :

  • Optimiser la gestion de l’eau à travers des aménagements adaptés aux besoins des populations locales.
  • Assurer un équilibre entre développement économique et préservation de l’écosystème lacustre.

Un poumon économique sous pression

Malgré des défis sécuritaires persistants, le bassin du lac Tchad demeure un espace économique dynamique, soutenant une agriculture intensive, un pastoralisme vital pour la transhumance et une pêche florissante grâce à ses riches ressources halieutiques.

« On peut y réaliser jusqu’à trois récoltes par an, ce qui est exceptionnel » , a souligné la chercheuse.

Le lac est également un refuge pour le bétail en transhumance, une ressource halieutique précieuse et une zone stratégique pour l’économie locale. Cependant, l’accélération de la croissance démographique et les pressions environnementales posent un défi de taille : comment concilier exploitation des ressources et durabilité écologique ?

Dr Sylvestre Florence a insisté sur l’importance de la coopération scientifique entre l’Université de N’Djamena et l’IRD.

Une collaboration scientifique renforcée

Elle a souligné que « le bassin du lac Tchad est devenu la colonne vertébrale de cette collaboration, réactivée en 2010 pour mieux comprendre les évolutions du lac et anticiper les transformations futures » .

Un engagement scientifique et institutionnel de longue date

À l’issue de la conférence, les experts ont répondu avec pédagogie aux nombreuses questions du public, soulignant les enjeux environnementaux, économiques et sociaux liés au lac Tchad.

La Dr Sylvestre Florence a exprimé sa gratitude envers l’ambassade de France au Tchad, qui soutient ces recherches depuis plus de 15 ans, ainsi qu’aux nombreux partenaires impliqués : l’IRD, l’AFD, le CNRS, le FFEM, le CNES, en partenariat avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le gouvernement du Tchad, l’Université de N’Djaména, la Commission du Bassin du Lac Tchad, la Banque Mondiale et le PNUD.

Grâce à cet appui institutionnel et scientifique, les recherches sur le lac Tchad se poursuivent, ouvrant la voie à une meilleure gestion et préservation de cet écosystème vital pour des millions de personnes.

Un Débat Scientifique Riche en échanges , en perspectives et Engagé

En conclusion, cette conférence a permis de mieux comprendre les enjeux environnementaux, économiques et géopolitiques du Bassin du Lac Tchad. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de poursuivre les recherches et les efforts de gestion durable pour garantir l’avenir de cette ressource vitale.

Les échanges entre les experts et le public ont été particulièrement riches, abordant notamment les défis liés aux changements climatiques, à la gestion des ressources en eau et à l’impact des dynamiques économiques et sociales sur la région.

Cet événement marque ainsi une étape clé dans la coopération scientifique entre la France, le Tchad et les institutions internationales en faveur de la préservation et du développement durable du Bassin du Lac Tchad.

MKAMEDD TV . INFO TCHAD VERT

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1 Commentaire

  1. Mahamat Sandel

    Toutes mes sincères félicitations aux conférenciers pour leur brillant travail scientifique, dans lequel nous avons de résultats très significatifs. Nous avons beaucoup appris sur le bassin du Lac Tchad lors cette conférence. Merci pour le travail abattu.

    Réponse

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