France- Afrique « Mépris » ou maladresse ? : entre incompréhensions et réactions mitigées en Afrique

Ecrit par MEDD TV INFO

janvier 8, 2025

Lors de la 30e conférence des ambassadrices et ambassadeurs, Emmanuel Macron a tenu un discours marquant mais controversé. En abordant les enjeux sécuritaires au Sahel, il a notamment regretté que les dirigeants africains aient « oublié de dire merci » à la France pour son intervention militaire.

Ce propos a provoqué des réactions vives de la part de plusieurs États africains, notamment le Tchad et le Sénégal, qui y ont vu une posture jugée paternaliste et condescendante. Mais ce discours était-il réellement dirigé contre ces pays ? Une analyse de fond s’impose pour comprendre ce qui a été dit et ce qui a été perçu.

Un Contexte Complexe : Entre Souvenirs et Frustrations

Depuis 2013, l’intervention française au Sahel, à travers l’opération Barkhane, visait à contenir la menace terroriste dans la région. Ce déploiement, salué à ses débuts, a fini par cristalliser des critiques, en raison de résultats mitigés et d’un sentiment croissant d’ingérence perçu dans certains pays africains, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Dans son discours, Macron a exprimé une déception face au manque de reconnaissance de l’aide française, tout en évoquant les sacrifices des soldats français (58 morts au Sahel). Il a néanmoins affirmé que cette intervention avait permis d’empêcher l’émergence d’un califat territorial, un danger imminent pour la sécurité de la région et de l’Europe. Cette déclaration, bien que factuelle, a été interprétée par certains comme une minimisation des efforts et sacrifices des Africains eux-mêmes.

Les Réactions du Tchad et du Sénégal

Le président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, a dénoncé des propos « méprisants » et a affirmé la souveraineté de son pays dans sa décision de mettre fin à la coopération militaire avec la France. Cette position reflète un désir d’autonomie et un rejet de toute attitude paternaliste. De son côté, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a critiqué une rhétorique qu’il juge néocolonialiste, en rappelant les impacts négatifs de certaines politiques françaises sur la stabilité du Sahel.

Ces réactions traduisent une sensibilité accrue des dirigeants africains envers tout discours semblant rappeler des schémas postcoloniaux. Elles reflètent également une volonté de rééquilibrer les relations avec la France dans un cadre de respect mutuel et de reconnaissance des souverainetés nationales.

Un Discours Mal Interprété ou violent  ?

Il est crucial de noter que les propos de Macron visaient principalement les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces nations, après des coups d’État successifs, ont choisi de mettre fin à la présence militaire française, souvent dans des conditions tendues. Macron a souligné que la France avait été invitée à intervenir à la demande de ces États, et que son retrait s’était fait suite à des changements politiques majeurs.

Cependant, en généralisant son propos sur l’ingratitude, le président français a ouvert la porte à des interprétations plus larges, incluant des pays comme le Tchad et le Sénégal, qui n’étaient pas directement visés. Cette ambiguïté a exacerbé les tensions, amplifiées par des contextes locaux où la relation avec la France est déjà sujette à des débats.

Les Hommages aux Soldats Africains : Une Reconnaissance Réelle mais Incomplète ?

Le discours de Macron ne doit pas occulter les efforts de la France pour honorer les contributions des soldats africains. En août 2024, lors du 80e anniversaire du débarquement de Provence, un hommage particulier a été rendu aux tirailleurs africains, avec la participation de plusieurs chefs d’État africains. Ce geste symbolique, bien que louable, ne suffit pas à apaiser un sentiment plus profond de déséquilibre dans les relations franco-africaines.

Le discours de Macron met en lumière un défi majeur : repenser la relation entre la France et l’Afrique. Les critiques sur le « paternalisme » et le « néocolonialisme » reflètent une demande croissante d’égalité et de respect mutuel dans les partenariats. La France semble consciente de cette évolution, comme en témoigne sa volonté de réorganiser sa présence militaire et de privilégier des bases stratégiques et des formations sur mesure.

Cependant, pour éviter de nouvelles polémiques, il est impératif que la communication soit plus claire et nuancée. Les contextes locaux, les sensibilités historiques et les aspirations des peuples africains doivent être au cœur des discussions.

Mépris ou Malentendu ?

Le discours d’Emmanuel Macron a sans doute été mal perçu dans certains cercles africains, en partie à cause d’une généralisation qui n’était pas intentionnelle. Cependant, cette polémique illustre un besoin urgent de redéfinir les relations franco-africaines. Plutôt que de se focaliser sur les mots malheureux, il serait plus constructif d’engager un dialogue sincère et respectueux, basé sur une compréhension mutuelle et une reconnaissance des sacrifices partagés.

Mka

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