Niger : Crise sécuritaire, rupture stratégique et naufrage du renseignement

Ecrit par MEDD TV INFO

mai 6, 2025

Niamey, mai 2025 — Alors que le Sahel continue de brûler sous les assauts répétés des groupes djihadistes, le Niger semble naviguer à vue, entre désengagements militaires, rupture diplomatique et effondrement du système de renseignement. La situation dans ce pays charnière d’Afrique de l’Ouest soulève de vives inquiétudes, tant sur le plan sécuritaire qu’humanitaire. Et au cœur de cette tourmente, une rupture discrète mais lourde de conséquences : Niamey a mis fin à ses accords de coopération en matière de renseignement avec la Russie et la Turquie.

Des ruptures discrètes mais lourdes de conséquences

Dans un contexte de fragilité militaire persistante, les autorités nigériennes ont discrètement mis fin à plusieurs accords de coopération en matière de renseignement, notamment avec la Russie et la Turquie. Une décision qui survient après les attaques meurtrières dans l’ouest du pays, notamment à Tillabéri et Ayorou, où plus de 135 soldats ont récemment péri dans des embuscades attribuées à l’État islamique au Sahel.

La Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) aurait dénoncé l’inefficacité opérationnelle des outils fournis par les partenaires russes et turcs. Niamey avait tenté de combler ce vide en sollicitant une société marocaine spécialisée en renseignement numérique, avant de rompre précipitamment le contrat en raison de liens indirects avec un prestataire occidental — une ligne rouge pour une junte militaire désormais ultra-sensible à toute influence étrangère occidentale.

Crise de commandement et fractures internes

Le désengagement stratégique de partenaires clés a un impact direct sur la cohésion militaire. Sur le terrain, la situation dégénère. À Tillabéri, les troupes ont commencé à désobéir aux ordres, exprimant un profond mécontentement face à l’inaction du commandement militaire. Des unités ont refusé d’être redéployées dans des zones à risque, comme à Sakoira, où douze soldats ont été tués. Le commandant régional venu apaiser les tensions a été conspué par ses propres hommes. Le moral des troupes est en chute libre, et l’état-major peine à reprendre la main.

Un isolement régional inquiétant

Depuis la rupture avec Paris et sa suspension de la CEDEAO, le Niger tente de redéfinir ses alliances. Mais les récentes décisions de rupture avec Moscou et Ankara fragilisent une stratégie de sécurité déjà vacillante. Cette désorientation diplomatique, couplée à l’insécurité croissante, alimente les inquiétudes des voisins sahéliens et des bailleurs internationaux.

L’ère post-Bazoum, marquée par un virage militaire, semble avoir plongé le pays dans une incertitude prolongée. Ancien pilier régional de la lutte antiterroriste, le Niger semble aujourd’hui en perte de repères.

Crise humanitaire en toile de fond

Cette instabilité a des conséquences dramatiques pour les populations civiles. En 2025, selon la Banque mondiale, 4,8 millions de Nigériens auront besoin d’une aide humanitaire, dont plus de 3 millions nécessitent une assistance alimentaire d’urgence. Les régions de Diffa, Tillabéri et Tahoua, en proie aux violences et déplacements de population, concentrent la majorité des besoins.

À cela s’ajoute la vulnérabilité économique : près de la moitié de la population vit dans une pauvreté extrême, même si des perspectives de réduction à 35,8 % d’ici 2027 restent possibles, sous réserve d’une stabilisation politique et sécuritaire.

Le Niger est à la croisée des chemins. Face à une désintégration progressive de son appareil sécuritaire et à une défiance croissante de ses partenaires, le pays risque de s’isoler davantage. La priorité reste double : restaurer la chaîne de militaire et renouer avec une coopération pragmatique pour faire face à l’urgence humanitaire. Sans cela, c’est tout un État qui pourrait chanceler.

La rupture avec la Russie se confirme, après celle avec la France, met en lumière l’impasse stratégique dans laquelle s’est engagée la junte nigérienne. Présentée comme un virage souverainiste, la politique de recentrage militaire montre aujourd’hui ses limites. Autrefois pilier de la lutte régionale contre le terrorisme sous Mohamed Bazoum, le Niger se retrouve isolé, suspendu de la CEDEAO, et regardé avec inquiétude par ses voisins.



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