Des vidéos d’une violence inouïe ont récemment envahi les réseaux sociaux, dévoilant des scènes macabres où des hommes armés circulent parmi des corps ligotés, certains sans vie, dans le village de Solenzo, à l’ouest du Burkina Faso. Ces images ont suscité une vague d’indignation et ont conduit l’organisation Human Rights Watch (HRW) à publier un rapport accablant. Selon HRW, des dizaines de personnes, principalement issues de la communauté peule, ont été tuées les 10 et 11 mars par des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), des milices pro-gouvernementales.

L’analyse de onze vidéos par HRW a permis de dénombrer au moins 58 victimes, bien que ce chiffre soit probablement sous-estimé en raison de la difficulté à distinguer les corps empilés. Les assaillants, identifiés comme membres des VDP grâce à leurs uniformes arborant des inscriptions telles que « Groupe d’autodéfense de Mahouna » et « Force Rapide de Kouka« , ont été filmés proférant des menaces explicites à l’encontre des Peuls. Dans l’une des vidéos, un homme s’exprimant en Mooré déclare : « Vous, les Peuls, vous pensez vraiment pouvoir prendre le contrôle du Burkina Faso ? Vous n’y arriverez jamais ! Ce qui vous reste à faire ici, c’est de disparaître. »

Face à ces accusations, le gouvernement burkinabè a publié un communiqué le 15 mars, dénonçant une « vaste campagne de désinformation » visant à discréditer les forces de défense. Selon les autorités, le 10 mars, un poste avancé des VDP a été attaqué par des terroristes. La riposte conjointe des VDP et des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) aurait conduit à la neutralisation d’une centaine d’assaillants, tandis que d’autres se seraient enfuis dans une forêt voisine. Lors de cette contre-offensive, les forces burkinabè affirment avoir découvert des familles composées de femmes, d’enfants et de personnes âgées, que les terroristes auraient tenté d’utiliser comme bouclier humain. Ces civils auraient été évacués vers un site provisoire pour une prise en charge humanitaire urgente.

Cependant, cette version officielle est contestée par des sources locales et des organisations de défense des droits humains. Selon une source locale citée par l’AFP, « des familles entières » de Peuls ont été « massacrées » entre le 10 et le 11 mars par des soldats du 18e Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) et des VDP. La communauté peule est régulièrement stigmatisée au Sahel, accusée de composer le gros des rangs des groupes jihadistes ou de collaborer avec eux.

HRW appelle les autorités burkinabè à mener une enquête impartiale et à poursuivre les responsables de ces crimes graves. Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à HRW, souligne que « les vidéos macabres d’un apparent massacre commis par des milices pro-gouvernementales au Burkina Faso soulignent l’impunité systématique de ces forces« .

La situation à Solenzo illustre la complexité et la gravité de la crise sécuritaire au Burkina Faso, où les tensions communautaires exacerbées par les actions des groupes armés et des forces pro-gouvernementales menacent la cohésion sociale et le vivre-ensemble.